Aujourd'hui, une interview qui paraît cette semaine dans les colonnes du Journal de la Corse, et dans laquelle nous évoquons la sortie prochaine de l'album Le Bagne de la honte, aux éditions DCL.
Pour ceux qui n'arrivent pas à lire :
Frédéric Bertocchini (scénario) et Eric Rückstühl (dessins) continuent de nous raconter la Corse en bande dessinée, avec précision, originalité, poigne, et sensibilité. Après le succès de la trilogie « Paoli », les auteurs nous entraînent cette fois-ci dans l'univers carcéral du bagne de Saint-Antoine, non loin d'Ajaccio, en 1855. En ce lieu sordide d'ultra violence physique et morale, des enfants de dix à vingt ans sont devenus des bagnards. Une histoire vraie pour ce premier tome, intitulé « Castellucciu », qui paraîtra à la fin du mois de mars aux éditions DCL.
Frédéric Bertocchini, pourquoi cette nouvelle série de bande dessinée sur la Corse ?
F. B. : Même si avec Eric Rückstühl, le dessinateur, nous multiplions les projets éditoriaux dans différents genres, nous tenions à poursuivre notre travail sur l'histoire de la Corse. Avec la trilogie sur Paoli, nous étions vraiment dans l'Histoire, au sens noble du terme. Nous nous attaquions à un personnage emblématique - peut-être le plus emblématique d'ailleurs - de l'histoire de la Corse. Nous allons, bien entendu, travailler sur d'autres personnages incontournables de notre histoire. Mais avant cela, Eric et moi, ressentions l'envie de réaliser une histoire plus intime, plus dramatique sans doute, et moins connue aussi. Il y a deux ans environ, je me trouvais dans le bureau de Simone Guerrini, qui était alors conseillère territoriale en charge de la Culture. Elle m'a fait part de certains documents retrouvés, relatifs à l'existence d'un petit cimetière perdu dans le maquis, près de l'hôpital de Castellucciu. Cela m'a interpellé. Puis, j'ai retrouvé une fiche signalétique d'un petit garçon. Un certain Joachim Evain. Il était indiqué que ce dernier, un orphelin breton, est arrivé dans un bagne en Corse sous le Second Empire, à l'âge de onze ans... Très rapidement, j'ai voulu aller plus loin. J'ai fait quelques recherches, puis j'ai demandé à Eric s'il était d'accord pour dessiner l'histoire. Il m'a dit instantanément répondu oui.
L'histoire de ce bagne pour enfants, près d'Ajaccio, est peu connue finalement. Vous avez dû faire des recherches ?
F. B. : Oui, évidemment. J'ai la chance de m'appuyer sur un bon ami, Philippe Martinetti, qui possède une documentation incroyable sur l'histoire d'Ajaccio, et une collection iconographique stupéfiante. Philippe m'a également présenté René Santoni, qui a écrit voici quelques années, un ouvrage intitulé : « La Colonie horticole de Saint-Antoine ». Avec Philippe et Eric, nous nous sommes rendus sur place, en repérage. Nous avons retrouvé quelques vestiges de l'ancien bagne, des cachots, l'ancienne route construite par les enfants. Mais aussi ce petit cimetière perdu dans le maquis.
Qui est le héros de ce récit ?
F. B. : L'histoire est racontée par un certain Antoine Teurice. Ce dernier, qui est donc le narrateur, est l'ami de Joachim Evain, à qui nous avons donc redonné vie. Autour de Joachim, gravite une multitude de personnages secondaires essentiels. Nous trouvons d'autres enfants, mais aussi des gardiens comme Giocanti et Ottaviani, ou encore le directeur du pénitencier. Tous les noms sont véritables, même si l'histoire est romancée.
Quel est le ton employé pour raconter une telle histoire ?
F. B. : Le ton est évidemment dramatique, pesant, oppressant. D'autant que cette histoire est vraie, même si elle est romancée. Nous racontons comment ces enfants sont arrivés à Ajaccio, pour être jetés dans un bagne. Nous racontons les conditions de vie de ces derniers, les privations, les humiliations, les rivalités entre les caïds, les ignominies de certains gardiens. Certes, l'album est très dur, mais malgré tout, une étincelle de lumière demeure dans ces ténèbres, puisque nous parlons aussi d'amitié, d'amour, de tendresse et d'espoir.
E. C.
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