dimanche 23 octobre 2011

Jim Morrison, sur RTBF (Belgique, par Laurent Rieppi)



Un article également paru chez nos amis belges de RTBF (ainsi qu'un reportage audio sur les ondes). Le papier est signé Laurent Rieppi).

Pour ceux qui n'arrivent pas à lire :

« Jim Morrison, poète du chaos » est le nom d'une excellente bande dessinée consacrée à la vie du chanteur et leader des Doors. Sur un scénario de Frédéric Bertocchini et des dessins de Jef, cet ouvrage - particulièrement soigné - nous dresse un portrait bien différent de celui du célèbre film d'Oliver Stone. Plutôt que de s'étaler sur l'aspect « alcoolique » du chanteur, cette BD plonge dans la psychologie du Morrison, mettant notamment particulièrement en avant son enfance tourmentée. Si vous êtes fan des Doors, « Jim Morrison, poète du chaos » est un must tant pour la qualité de son écriture que de son dessin.


1) Depuis combien de temps êtes-vous fan de Jim Morrison et des Doors ? Comment êtes vous devenu fan de leur musique ?

Mes parents avaient 18 ans en mai 68. Ils étaient étudiants à l'époque, et écoutaient beaucoup Led Zeppelin, les Who, les Stones, les Beatles, Jimi Hendrix, et bien entendu les Doors. Je suis né en 73, et j'ai donc baigné dans cet univers rock. Enfant, j'écoutais Break on Thrue ou Hello, I love you par exemple, qui sont des titres plutôt commerciaux, mais bon... Je suis devenu fan beaucoup plus tard, vers 17 ans. Je me souviens que j'ai révisé mon bac aux sons de Riders on the storm et Love street, des Doors. C'est aussi à cette époque que j'ai commencé à apprendre la guitare. Cet instrument est très répandu en Corse. J'ai alors commencé à entrer plus en profondeur dans la musique des Doors : le doigté flamenco de Robbie Krieger, l'ambiance baroque du clavier de Ray Manzarek, et bien entendu la voix énigmatique de Jim Morrison. Puis, à l'université, j'ai travaillé sur les textes antiques et les civilisations anciennes. Cela m'a donné une ouverture sur les textes de Morrison. Dès lors, il m'est apparu comme un poète, un philosophe, et j'ai commencé à écrire sur lui. Cela a commencé par un essai sur ses poèmes, puis, beaucoup plus tard, un scénario sur sa vie.


2) En tant que scénariste de cette BD, sur quoi vous êtes vous basé pour construire le scénario de la BD ? On remarque notamment que vous ne suivez pas du tout la même optique que celle d'Oliver Stone dans son biopic « The Doors »...
Oliver Stone a été beaucoup critiqué par les fans des Doors. C'est vrai que ce dernier a mis en scène un Morrison de débauche, drogué et alcolo avant tout. Il a aussi axé le personnage sur son statut de rock star. En fait, Oliver Stone a exploré le Morrison que « Jim» n'aimait pas. Pour Jim Morrison, Poète du Chaos, il fallait explorer d'autres pistes. Celle de l'auteur, du poète, du tourmenté, de l'angoissé, du dépressif... de plus, un tiers du biopic est consacré à l'enfance et l'adolescence de Jim Morrison. Car tout part de là. Jim était déjà un enfant décalé, torturé. Il aimait déjà lire et écrire et surtout, il se sentait en rupture avec sa famille, jugé trop puritaine, trop sage. Les déménagements incessants étaient devenus insupportables pour l'enfant qui s'est un peu isolé. Il est devenu sauvage, introverti, puis a contrario, provocateur. C'est enfant aussi, que sa fascination pour la mort est apparue. Jim Morrison n'aimait pas l'autorité. Ce fut un choc lorsque son père fut nommé amiral par le Pentagone. C'est pourquoi, artistiquement parlant, il fallait « tuer » ce père là, pour se libérer de son emprise intellectuel. De là sans doute est né le passage oedipien de The End. Sinon, concernant la documentation, j'ai travaillé à partir de livres divers, d'anciennes revues, mais aussi des textes de Morrison. Tout est là finalement.


3) Quelles ont été vos sources principales d'informations pour construire votre scénario ?

J'ai une formation d'historien et je suis aujourd'hui journaliste. Il est donc naturel pour moi de réunir des informations, de la documentation, avant d'entreprendre une ébauche de travail. Néanmoins, il n'a pas été difficile de trouver les sources incontournables pour travailler sur Morrison. Il existe des ouvrages très pointus, bien écris, sur le personnage. Je me suis basé sur trois livres références à mes yeux : Personne ne sortira d'ici vivant de Jerry Hopkins ; Jim Morrison and the Doors de Danny Sugerman. Plus récemment, un excellent bouquin est paru : Jim Morrison, de Stephen Davis. En réalité, avec une telle documentation, nous aurions pu écrire un biopic de vingt tomes... Ensuite, concernant l'iconographie, les sources ont été diverses. Il existe des centaines de photos et de vidéos sur Jim Morrison.

4) Pouvez-vous décrire votre travail avec Jef, le dessinateur de cet ouvrage ?

Je ne connaissais pas Jef avant ce projet. Emmanuel Proust m'a mis en contact avec lui, alors que le script était déjà terminé. Jef est lui-même musicien, et de ce fait, il aime les Doors tout autant que moi. Cela a facilité sa compréhension du scénario et décuplé sa motivation à faire un beau bouquin. En plus du scénario, j'ai fourni à Jef une énorme documentation photographique. Ce dernier a également beaucoup travaillé au niveau de la doc', car il voulait un rendu très réaliste, presque photographique. Il fallait reconnaître le regard de Jim Morrison. En regardant le résultat aujourd'hui, je me dis qu'il a été formidablement inspiré. Je sais qu'il a bossé vite, comme si cet album était en gestation chez lui depuis un certain temps. Il était dans son univers, et je crois que cela se sent bien.

5) Combien de temps avez-vous consacré à la réalisation de cette BD ?

Cela s'est réalisé en deux temps. Le scénario a été écrit en 2006. Au début, je pensais travailler avec un dessinateur américain, de Buffalo, lui-aussi musicien et spécialisé dans la conception de pochettes de disques de rock. Mais le projet n'a pas abouti avec lui, son dessin étant jugé trop « classique » par l'éditeur. Il n'était pas assez déchiré, et sombre, comme le sont les encrages de Jef. A proprement parlé, j'ai du mettre deux mois pour écrire le script. Puis, j'ai proposé le scénario à Emmanuel Proust, qui a aimé le thème et la façon dont il a été traité. Là, Emmanuel m'a demandé de faire de ce scénario de bande dessinée de deux fois 46 planches, un roman graphique de 120 pages environ. En deux ou trois semaines, il a fallu changer le découpage et réécrire quelques passages narratifs. Il s'agissait simplement d'un changement de format, qui en réalité n'a pas changé grand-chose au fond, même si j'ai dû écarter quelques séquences que j'avais prévu au départ. Lorsqu'il s'intéresse à un tel personnage, et qu'on réalise un bouquin sur lui, on ne compte pas les heures.

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